«Moi, je suis un homme du peuple, et j'écris pour le peuple. Je raconte ce qui s'est passé sous mes yeux.J'ai vu l'ancien régime avec ses lettres de cachet, son gouvernement du bon plaisir, sa dîme, ses corvées, ses jurandes, ses barrières, ses douanes intérieures, ses capucins crasseux mendiant de porte en porte, ses privilèges abominables, sa noblesse et son clergé, qui possédaient à eux seuls les deux tiers du territoire de la France! J'ai vu les états-généraux de 1789 et l'émigration, l'invasion des Prussiens et des Autrichiens, et la patrie en danger, la guerre civile, la Terreur, la levée en masse! enfin toutes ces choses grandes et terribles, qui étonneront les hommes jusqu'à la fin des siècles.C'est donc l'histoire de vos grands-pères, à vous tous, bourgeois, ouvriers, soldats et paysans, que je raconte, l'histoire de ces patriotes courageux qui ont renversé les bastilles, détruit les privilèges, aboli la noblesse, proclamé les Droits de l'homme, fondé l'égalité des citoyens devant la loi sur des bases inébranlables, et bousculé tous les rois de l'Europe, qui voulaient nous remettre la corde au cou.»
Extrait : Voilà comme les écrivassiers des rois vous excitent les uns contre les autres, pour vivre grassement aux dépens des peuples, qui se massacrent. Ils ne parlaient que de notre misère et de la magnificence des troupes alliées, de leur belle tenue, du grand nombre de leurs canons, du bon approvisionnement de leurs magasins, répandus le long du Rhin, chez l’électeur de Bavière, le duc de Deux-Ponts et les autres princes de l’Empire. On pense bien que cela nous donnait l’envie d’aller voir ces magasins, à Spire, à Worms, à Mayence ; nous y songions toujours et notre enthousiasme augmentait.
Malheureusement nous n’étions alors que vingt et un mille hommes d’infanterie à l’armée du Rhin, dix-sept mille volontaires nationaux, six mille hommes de troupes à cheval et dix-sept cents artilleurs, en tout quarante-six mille hommes, dont vingt-quatre mille employés à la garde des redoutes, et vingt-deux mille seulement pour tenir la campagne.
Les Prussiens et les Autrichiens ensemble montaient à plus de deux cent mille hommes. Nos émigrés leur criaient : « Avancez !… avancez !… » car Bouillé savait bien que les ministres de Louis XVI, en disant à l’Assemblée nationale que nos effets de campement suffisaient ; que le zèle indiscret de ceux qui fournissaient des armes aux volontaires nationaux ralentissait seul les livraisons régulières ; que l’état des arsenaux était admirable, enfin que nos armées nageaient en quelque sorte dans l’abondance ; il savait bien que ces ministres mentaient ; que nous n’avions plus d’officiers supérieurs, d’ingénieurs et de mineurs, à cause des désertions ; que nous étions forcés de mettre en réquisition les voitures, les chevaux de selle et de trait, et même les outils pour remuer la terre ; que la plupart d’entre nous n’avaient que leur veste, leur pantalon de toile et leurs sabots, avec une vieille patraque qui faisait long feu six fois sur dix ; qu’on nous avait même donné l’ordre de trouver, où nous pourrions, un sac de peau pour mettre nos misérables effets, et un sac de toile pour nos munitions ; il savait tout, puisque ces ministres, Louis XVI, la cour et les émigrés s’entendaient ensemble.
Histoire d'un paysan III - Erckmann-Chatrian (livre audio) | @ebookaudio
Extrait : Voilà comme les écrivassiers des rois vous excitent les uns contre les autres, pour vivre grassement aux dépens des peuples, qui se massacrent. Ils ne parlaient que de notre misère et de la magnificence des troupes alliées, de leur belle tenue, du grand nombre de leurs canons, du bon approvisionnement de leurs magasins, répandus le long du Rhin, chez l’électeur de Bavière, le duc de Deux-Ponts et les autres princes de l’Empire. On pense bien que cela nous donnait l’envie d’aller voir ces magasins, à Spire, à Worms, à Mayence ; nous y songions toujours et notre enthousiasme augmentait.
Malheureusement nous n’étions alors que vingt et un mille hommes d’infanterie à l’armée du Rhin, dix-sept mille volontaires nationaux, six mille hommes de troupes à cheval et dix-sept cents artilleurs, en tout quarante-six mille hommes, dont vingt-quatre mille employés à la garde des redoutes, et vingt-deux mille seulement pour tenir la campagne.
Les Prussiens et les Autrichiens ensemble montaient à plus de deux cent mille hommes. Nos émigrés leur criaient : « Avancez !… avancez !… » car Bouillé savait bien que les ministres de Louis XVI, en disant à l’Assemblée nationale que nos effets de campement suffisaient ; que le zèle indiscret de ceux qui fournissaient des armes aux volontaires nationaux ralentissait seul les livraisons régulières ; que l’état des arsenaux était admirable, enfin que nos armées nageaient en quelque sorte dans l’abondance ; il savait bien que ces ministres mentaient ; que nous n’avions plus d’officiers supérieurs, d’ingénieurs et de mineurs, à cause des désertions ; que nous étions forcés de mettre en réquisition les voitures, les chevaux de selle et de trait, et même les outils pour remuer la terre ; que la plupart d’entre nous n’avaient que leur veste, leur pantalon de toile et leurs sabots, avec une vieille patraque qui faisait long feu six fois sur dix ; qu’on nous avait même donné l’ordre de trouver, où nous pourrions, un sac de peau pour mettre nos misérables effets, et un sac de toile pour nos munitions ; il savait tout, puisque ces ministres, Louis XVI, la cour et les émigrés s’entendaient ensemble.

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