De retour de guerre, le comte Karl de Hombourg arrive au château de Godesberg pour embrasser son frère d'armes le comte Ludwig, landgrave de Godesberg. Il surprend son vieil ami en proie à un horrible soupçon: Othon est-il bien son fils légitime ou est-il le fruit des amours de sa femme Emma et d'Albert avec qui elle a été élevée et à qui elle voue une grande tendresse? Godefroy, cousin de Ludwig, nourrit la suspicion dans l'esprit de ce dernier, qui décide d'enfermer Emma dans un couvent et d'envoyer Othon au monastère. Extrait : Comme, au moment où l’on baissait la herse derrière lui, la lune, voilée jusque-là, venait justement d’entrer dans un espace pur et brillant comme un lac paisible au milieu de cette mer de nuages qui roulait au ciel ses flots fantastiques, nous profiterons de ce rayon fugitif pour jeter un coup d’œil rapide sur le nocturne voyageur.
C’était un homme de quarante-huit à cinquante ans, de moyenne taille, mais aux formes athlétiques et carrées, et qui semblait, tant ses mouvements étaient en harmonie avec ceux de son cheval, avoir été taillé dans le même bloc de rocher. Comme on était en pays ami et par conséquent éloigné de tout danger, il avait accroché son casque à l’arçon de sa selle, et n’avait, pour garantir sa tête de l’air humide de la nuit, qu’un petit capuchon de mailles doublé de drap, qui, lorsque le casque était en son lieu ordinaire, retombait en pointe entre les deux épaules. Il est vrai qu’une longue et épaisse chevelure, qui commençait à grisonner, rendait à son maître le même service qu’aurait pu faire la coiffure la plus confortable, enfermant en outre, comme dans son cadre naturel, sa figure à la fois grave et paisible comme celle d’un lion. Quant à sa qualité, ce n’eût été un secret que pour le peu de personnes qui, à cette époque, ignoraient la langue héraldique car, en jetant les yeux sur son casque, on en voyait sortir, à travers une couronne de comte qui en formait le cimier, un bras nu levant une épée nue, tandis que, de l’autre côté de la selle, brillaient sur fond de gueules, au bouclier attaché en regard, les trois étoiles d’or posées deux et une de la maison de Hombourg, l’une des plus vieilles et des plus considérées de toute l’Allemagne. Maintenant, si l’on veut en savoir davantage sur le personnage que nous venons de mettre en scène, nous ajouterons que le comte Karl arrivait de Flandre, où il était allé, sur l’ordre de l’empereur Louis V de Bavière, prêter le secours de sa vaillante épée à Édouard III d’Angleterre, nommé, dix-huit mois auparavant, vicaire général de l’Empire, lequel, grâce aux trêves d’un an qu’il venait de signer avec Philippe de Valois, par l’intercession de Mme Jeanne, sœur du roi de France et mère du comte de Hainaut, lui avait rendu momentanément sa liberté.
Parvenu à la hauteur du petit village de Melhem, le voyageur quitta la route qu’il avait suivie depuis Coblentz pour prendre un sentier qui entrait directement dans les terres. Un instant le cheval et le cavalier s’enfoncèrent dans un ravin, puis bientôt reparurent de l’autre côté, suivant à travers la plaine un chemin qu’ils semblaient bien connaître tous deux. En effet, au bout de cinq minutes de marche, le cheval releva la tête et hennit comme pour annoncer son arrivée, et, cette fois, sans que son maître eût besoin de l’exciter ni de la parole ni de l’éperon, il redoubla d’ardeur, si bien qu’au bout d’un instant ils laissèrent dans l’ombre à leur gauche le petit village de Godesberg, perdu dans un massif d’arbres, et, quittant le chemin qui conduit de Rolandseck à Bone, en prenant une seconde fois à gauche, ils s’avancèrent directement vers le château situé au haut d’une colline, et qui porte le même nom que la ville, soit qu’il l’ait reçu d’elle, soit qu’il le lui ait donné.
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