Comment, lors du Mardi Gras de 1827, trois compères (Jean Robert le poète, Ludovic le médecin et Pétrus le peintre) font la connaissance de Monsieur Salvator, de son état commissionnaire rue aux Fers et bien plus que cela. Comment ils favorisent les amours du sympathique musicien Justin, et ne négligent pas les leurs propres. Comment nos héros (sans oublier le chien Roland) découvrent la vérité sur l'horrible assassinat, en 1820, de la famille Tardieu. Comment , au service de la Charbonnerie, ils mènent la vie dure aux sbires du roi Charles X, et en particulier au policier Jackal (qui ressemble fort à Vidocq, et qui n'a pas tort de répéter en toute affaire « Cherchez la femme ! »). Comment Salvator règle de vieux comptes avec l'exécrable famille des marquis de Valgeneuse. Comment l'histoire finit par des chansons, et même par un opéra. Tout cela, et bien plus, s'entremêle et se tient parfaitement, avec (entre autres), dans leurs propres rôles, Chateaubriand, La Fayette et Napoléon II. Extrait : L’aubergiste et sa femme – qui, au bruit du tonnerre lointain que faisaient les roues des deux voitures, étaient accourus sur le pas de leur porte, et à qui la rapidité des deux voitures avait fait perdre l’espoir d’héberger des voyageurs brûlant le pavé d’une si terrible façon –, l’aubergiste et sa femme, en voyant, à leur inexprimable satisfaction, les deux chaises de poste s’arrêter devant leur maison, s’élancèrent, l’aubergiste à la portière de la première voiture, la femme de l’aubergiste à la portière de la seconde.
De la première voiture, sortit vivement un homme d’une cinquantaine d’années vêtu d’une redingote bleue boutonnée jusqu’au menton, d’un pantalon noir et d’un chapeau à larges bords. Il avait la moustache rude, l’œil ferme, le sourcil bien arqué, les cheveux coupés en brosse : le sourcil était noir comme l’œil qu’il ombrageait, mais cheveux et moustaches commençaient à grisonner. Il était enveloppé d’un grand manteau.
De la seconde voiture, descendit avec dignité un majestueux gaillard vigoureusement bâti, autant qu’on en pouvait juger, sous sa polonaise à brandebourgs d’or et sous son manteau hongrois, ou pour mieux dire le véritable nom du vêtement, sous sa goubachargée de broderies, dans laquelle il était enveloppé de la tête aux pieds.
À voir cette riche pelisse, l’aisance avec laquelle elle était portée, l’air digne de celui qui la portait, on eût offert de parier que le voyageur était quelque noble hospodar valaque venant de Jassy 2ou de Bucarest, ou tout au moins quelque riche magyar arrivant de Pesth et se rendant en France pour faire ratifier quelque note diplomatique. Mais on n’eût point tardé à voir qu’on avait perdu la gageure, en dévisageant de près le noble étranger ; car, malgré les favoris épais qui encadraient son visage, malgré les deux immenses moustaches retroussées qu’il tordait en croc avec une insouciance affectée, on eût bien vite reconnu, sous cette aristocratique apparence, des conditions premières de vulgarité qui eussent fait descendre l’inconnu du rang princier ou aristocratique qu’on lui avait accordé, au premier abord, à celui d’intendant de grande maison ou d’officier de troisième ordre.
Et, en effet, de même que le lecteur a déjà sans doute reconnu M. Sarranti dans le voyageur descendant de la première voiture, de même il a, nous n’en doutons pas, reconnu maître Gibassier dans celui qui descendait de la seconde.
On se souvient que M. Jackal, parti avec Carmagnole pour Vienne, avait chargé Gibassier d’attendre M. Sarranti à Kehl. Gibassier s’était prélassé quatre jours à l’hôtel de la Poste ; puis, le soir du cinquième, il avait vu poindre à l’horizon Carmagnole, lequel passait en courrier, et, en passant, le prévenait, de la part de M. Jackal, que, M. Sarranti devant arriver dans la matinée du lendemain 26, il eût, lui, Gibassier, à remonter jusqu’à Steinbach, où il trouverait une chaise de poste qui l’attendrait à l’hôtel du Soleil,et, dans cette chaise de poste, tous les déguisements nécessaires à l’exécution des ordres qu’il avait reçus.
Ces ordres étaient bien simples, mais, pour être bien simples, n’en étaient pas plus faciles à exécuter : ils consistaient à ne pas perdre de vue M. Sarranti, à se cramponner à lui comme son ombre pendant toute la route, et, arrivé à Paris, à s’attacher à sa personne – et tout cela si adroitement, que M. Sarranti ne pût prendre aucun soupçon.
M. Jackal s’en rapportait à l’habileté bien connue de Gibassier à changer de costume et de figure.
Gibassier était parti à l’instant même pour Steinbach, avait trouvé l’hôtel, dans l’hôtel la voiture, et, dans la voiture, tout un assortiment de costumes, parmi lesquels il avait choisi, comme le plus chaud pour le voyage, celui dont nous l’avons vu affublé au moment où il a reparu à nos yeux.
Mais, à son grand étonnement, la journée du 26 s’était écoulée, et une partie de la nuit avait suivi la journée sans qu’il eût vu paraître aucun voyageur dont le signalement s’accordât avec celui qui lui était donné.
Enfin, vers deux heures du matin, il avait entendu les claquements d’un fouet et les tintements des grelots. Il avait fait mettre les chevaux à sa chaise, n’était resté que le temps de s’assurer que le voyageur annoncé par le double bruit était bien M. Sarranti, et, à peu près certain qu’il tenait son homme, il avait ordonné au postillon de partir en marchant au train ordinaire.
Dix minutes après lui, M. Sarranti, qui ne s’était arrêté que le temps nécessaire pour changer de chevaux et prendre un bouillon, était parti à son tour, courant après celui qui était chargé de le suivre.
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