Dumas raconte avoir débarqué sur l’île de beauté en mars 1841. Il y fait du tourisme et trouve à loger un beau soir à Sullacaro, chez la veuve de Franchi qui a deux jumeaux. Louis est avocat à Paris tandis que Lucien «sera corse» selon le mot d’un voisin. L’écrivain touriste est fort impressionné par son hôte (Lucien) qui l’installe dans la chambre libre de son frère (Louis). Au cours du dîner, Dumas apprend que Louis et Lucien étaient attachés par le côté à la naissance et qu’il a fallu les séparer au scalpel. Louis en aurait gardé une sensibilité physique à ce que son frère siamois ressent, même à distance. En outre, Lucien raconte que les défunts de la lignée apparaissent à leurs survivants mâles quand l’heure est grave. Extrait : Rien de plus pittoresque et de plus commode qu’un voyage en Corse : on s’embarque à Toulon ; en vingt heures, on est à Ajaccio, ou, en vingt-quatre heures, à Bastia.
Là, on achète ou on loue un cheval : si on le loue, on en est quitte pour cinq francs par jour ; si on l’achète, pour cent cinquante francs une fois payés. Et qu’on ne rie pas de la modicité du prix ; ce cheval, loué ou acheté, fait, comme ce fameux cheval du Gascon qui sautait du pont Neuf dans la Seine, des choses que ne feraient ni Prospero ni Nautilus, ces héros des courses de Chantilly et du Champ de Mars.
Il passe par des chemins où Balmat lui-même eût mis des crampons, et sur des ponts où Auriol demanderait un balancier.
Quant au voyageur, il n’a qu’à fermer les yeux et à laisser faire l’animal : le danger ne le regarde pas.
Ajoutons qu’avec ce cheval qui passe partout, on peut faire une quinzaine de lieues tous les jours, sans qu’il vous demande ni à boire ni à manger.
De temps en temps, quand on s’arrête pour visiter un vieux château bâti par quelque seigneur, héros et chef d’une tradition féodale, pour dessiner une vieille tour élevée par les Génois, le cheval tond une touffe d’herbe, écorce un arbre ou lèche une roche couverte de mousse, et tout est dit.
Quant au logement de chaque nuit, c’est bien plus simple encore : le voyageur arrive dans un village, traverse la rue principale dans toute sa longueur, choisit la maison qui lui convient et frappe à la porte. Un instant après, le maître ou la maîtresse paraît sur le seuil, invite le voyageur à descendre, lui offre la moitié de son souper, son lit tout entier s’il n’en a qu’un, et, le lendemain, en le reconduisant jusqu’à la porte, le remercie de la préférence qu’il lui a donnée.
De rétribution quelconque, il est bien entendu qu’il n’en est aucunement question : le maître regarderait comme une insulte la moindre parole à ce sujet. Si la maison est servie par une jeune fille, on peut lui offrir quelque foulard, avec lequel elle se fera une coiffure pittoresque lorsqu’elle ira à la fête de Calvi ou de Corte. Si le domestique est mâle, il acceptera volontiers quelque couteau-poignard, avec lequel, s’il le rencontre, il pourra tuer son ennemi.
Encore faut-il s’informer d’une chose, c’est si les serviteurs de la maison, et cela arrive quelquefois, ne sont point des parents du maître, moins favorisés de la fortune que lui, et qui alors lui rendent des services domestiques en échange desquels ils veulent bien accepter la nourriture, le logement, et une ou deux piastres par mois.
Les frères corses - Alexandre Dumas (livre audio) | @ebookaudio
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