Ce fait partie des récits publiés sous le nom d'Alexandre Dumas mais auxquels il n'a que peu contribué. Il s'agit en fait de la traduction par Victor Perceval (c'est à dire Marie de Fernand, sa maîtresse) d'un roman anglais d'Edward John Trelawney (1792-1881) Adventures of a younger son, qui connut un certain succès lors de sa parution en 1831. Très tôt, le jeune Trelawney se révolte contre la brutale autorité paternelle. Mis en pension, il en est rapidement renvoyé en raison de son comportement violent. Son père l'envoie alors faire son apprentissage naval d'abord dans une école où il ne reste que peu de temps, puis sur une frégate anglaise en route pour les Indes. Lors d'une escale à Bombay, il se venge des outrages et humiliations subis pendant le voyage en molestant l'officier responsable. Obligé de déserter, il est alors pris sous la protection de De Ruyter qui lui accorde confiance et amitié. Extrait : Mon grand-père était général. À sa mort, il ne laissa à l’auteur de mes jours, son fils unique, qu’un nom sans tache et des protections dans la carrière qu’il avait parcourue. La nature avait été plus généreuse à l’égard de mon père, en lui prodiguant toutes les qualités extérieures qui mènent à la fortune plus promptement encore que le travail, le courage et la vertu. Il était jeune, beau, spirituel, et avait des manières gracieuses, simples et distinguées. La jeunesse de mon père ne se signala par aucun fait remarquable ; il menait la vie aventureuse et galante des jeunes gens de l’époque. Le vin, les femmes, la cour et le camp formaient le théâtre de ses exploits, mais il jouait parfaitement son rôle.
À l’âge de vingt-quatre ans, il devint amoureux d’une douce et charmante jeune fille. Ses pensées prirent alors une nouvelle direction, et en apportant un peu de régularité dans le désordre de sa vie, elles calmèrent l’effervescence de son goût effréné pour les plaisirs.
Mon père découvrit bientôt que la jeune fille partageait son amour (car il était savant dans l’étude des sentiments du cœur), que le seul obstacle qui s’opposait à leur union était la fortune. Leurs familles, non leurs espérances d’avenir, se trouvaient égales : car la jeune fille était pauvre, et l’ambition de mon père aurait pu, en dirigeant sa conduite, le faire arriver à une brillante fortune. Mais la jeunesse et l’amour ne calculent pas, et l’argent, les contrats, les douaires, sont des mots dont ils n’apprécient nullement la valeur ; puis, lorsque ce sentiment se révèle pour la première fois, il est trop sincère, trop vif, trop passionné pour être retenu par l’intérêt personnel. Intérêt sordide, qui, à une certaine époque de la vie, se trouve si bien mélangé à tous les sentiments, qui les fait naître et mourir à l’aide d’un chiffre. Des passions nobles et généreuses, animées par le premier amour, impriment souvent sur le caractère incertain et irrésolu de la jeunesse une stabilité que le temps ne peut pas tout à fait détruire. Plût au ciel que mon père eût uni sa destinée à celle de cette charmante femme, car son mérite et sa constance ont résisté aux épreuves du temps et de ses vicissitudes !
Pendant que mon père essayait de vaincre les difficultés matérielles qui s’opposaient à son mariage, il lui fut soudainement ordonné de partir pour l’Ouest avec son régiment.
Pensant que leur séparation ne serait que momentanée, les deux jeunes gens se dirent adieu, comme tous ceux qui se trouvent dans la même situation, avec des larmes et des serments de fidélité éternelle ; et quoique mon père fût un soldat joyeux et galant, il s’éloigna avec l’accablement du regret, et fit honneur à ses promesses pendant trois mois entiers.
Pour célébrer sa nouvelle dignité, le shérif du comté où mon père était en garnison donna un bal à ses administrés.
Mon père y fut invité, ainsi que les premiers officiers de son grade, car il était capitaine.
Les honneurs de la soirée étaient faits par la fille du riche gentleman. Celle-ci était le bonheur, l’idole et l’unique héritière de son père. À l’ouverture du bal, le shérif engagea sa fille à choisir pour cavalier l’homme le plus haut placé dans le monde par ses distinctions sociales : la jeune personne répondit qu’elle n’accorderait cette faveur qu’au plus charmant, et tendit la main à mon père. Cette flatteuse préférence enivra l’orgueilleux capitaine, car elle attira sur lui l’attention générale, et le brillant officier fut dès ce moment le sujet de toutes les causeries. Dès lors une modification complète s’opéra dans les idées de mon père, et lui fit concevoir des désirs que, sans cet événement, il n’eût jamais soupçonnés.
La fille du shérif avait vingt-huit ans, les traits prononcés, la tournure sans grâce. Ses gestes, ses allures et le son de sa voix avaient quelque chose de masculin et de peu agréable ; mais elle était riche, et en parant ses imperfections des splendeurs de la fortune, elle les rendait intéressantes.
Un cadet de famille - Alexandre Dumas (livre audio) | @ebookaudio
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