Y inclus, gratuitement, 4 ouvrages au format.epub et .mobi."Les Fables" d'Ésope tomes I et II
"Tragédies"d'Eschyle
"Le Voyage de Monsieur Perrichon" d'Eugène Labiche
Mémoires de Vidocq, chef de la police de sûreté jusqu’en 1827, aujourd’hui propriétaire et fabricant de papier à Saint-Mandé.
Extrait: Dufailli et moi nous restâmes seuls ; il s’endormit, se pencha sur la table, et se mit à ronfler, pendant qu’en digérant de sang-froid, j’étais livré à mes réflexions. Trois heures s’étaient écoulées, et il n’avait pas achevé son somme. Quand il se réveilla, il fut tout surpris de voir quelqu’un auprès de lui ; il ne m’aperçut d’abord qu’à travers un épais brouillard, qui ne lui permit pas de distinguer mes traits ; insensiblement cette vapeur se dissipa, et il me reconnut ; c’était tout ce qu’il pouvait. Il se leva en chancelant, se fit apporter un bol de café noir, dans lequel il renversa une salière, avala ce liquide à petites gorgées et, ayant passé son demi-espadon, il se pendit à mon bras, en m’entraînant vers la porte ; mon appui lui était on ne peut plus nécessaire : il était la vigne qui s’attache à l’ormeau. « Tu vas me remorquer, me dit-il, et moi je te piloterai. Vois-tu le télégraphe, qu’est-ce qu’il dit avec ses bras en l’air ? il signale que le Dufailli est vent dessus vent dedans ;… le Dufailli, mille Dieu ! navire de trois cents tonneaux au moins. Ne t’inquiète pas, il ne perd pas le nord Dufailli. » – En même temps, sans me quitter le bras, il retira son chapeau, et le posant sur le bout de son doigt, il le fit pirouetter. « Voilà,… ma boussole ; attention ! Je retiens la corne du côté de la cocarde ; … le cap sur la rue des Prêcheurs ; en avant, marche ! » commanda Dufailli, et nous prîmes ensemble le chemin de la basse ville, après qu’il se fût recoiffé en tapageur.
Dufailli m’avait promis un conseil, mais il n’était guères en état de me le donner. J’aurais bien désiré qu’il recouvrât sa raison ; malheureusement le grand air et le mouvement avaient produit sur lui un effet tout contraire. En descendant la grande rue, il nous fallut entrer dans cette multitude de cabarets dont le séjour de l’armée l’avait peuplée ; partout nous faisions une station plus ou moins longue, que j’avais soin d’abréger le plus possible ; chaque bouchon, selon l’expression de Dufailli, était une relâche qu’il était indispensable de visiter, et chaque relâche augmentait la charge qu’il avait déjà tant de peine à porter. – « Je suis soul comme un gredin, me disait-il par intervalles, et pourtant je ne suis pas un gredin, car il n’y a que les gredins qui se soûlent, n’est-ce pas, mon ami ? »
Mémoires de Vidocq - Tome II - Eugène-François Vidocq (livre audio) | @ebookaudio
Extrait: Dufailli et moi nous restâmes seuls ; il s’endormit, se pencha sur la table, et se mit à ronfler, pendant qu’en digérant de sang-froid, j’étais livré à mes réflexions. Trois heures s’étaient écoulées, et il n’avait pas achevé son somme. Quand il se réveilla, il fut tout surpris de voir quelqu’un auprès de lui ; il ne m’aperçut d’abord qu’à travers un épais brouillard, qui ne lui permit pas de distinguer mes traits ; insensiblement cette vapeur se dissipa, et il me reconnut ; c’était tout ce qu’il pouvait. Il se leva en chancelant, se fit apporter un bol de café noir, dans lequel il renversa une salière, avala ce liquide à petites gorgées et, ayant passé son demi-espadon, il se pendit à mon bras, en m’entraînant vers la porte ; mon appui lui était on ne peut plus nécessaire : il était la vigne qui s’attache à l’ormeau. « Tu vas me remorquer, me dit-il, et moi je te piloterai. Vois-tu le télégraphe, qu’est-ce qu’il dit avec ses bras en l’air ? il signale que le Dufailli est vent dessus vent dedans ;… le Dufailli, mille Dieu ! navire de trois cents tonneaux au moins. Ne t’inquiète pas, il ne perd pas le nord Dufailli. » – En même temps, sans me quitter le bras, il retira son chapeau, et le posant sur le bout de son doigt, il le fit pirouetter. « Voilà,… ma boussole ; attention ! Je retiens la corne du côté de la cocarde ; … le cap sur la rue des Prêcheurs ; en avant, marche ! » commanda Dufailli, et nous prîmes ensemble le chemin de la basse ville, après qu’il se fût recoiffé en tapageur.
Dufailli m’avait promis un conseil, mais il n’était guères en état de me le donner. J’aurais bien désiré qu’il recouvrât sa raison ; malheureusement le grand air et le mouvement avaient produit sur lui un effet tout contraire. En descendant la grande rue, il nous fallut entrer dans cette multitude de cabarets dont le séjour de l’armée l’avait peuplée ; partout nous faisions une station plus ou moins longue, que j’avais soin d’abréger le plus possible ; chaque bouchon, selon l’expression de Dufailli, était une relâche qu’il était indispensable de visiter, et chaque relâche augmentait la charge qu’il avait déjà tant de peine à porter. – « Je suis soul comme un gredin, me disait-il par intervalles, et pourtant je ne suis pas un gredin, car il n’y a que les gredins qui se soûlent, n’est-ce pas, mon ami ? »
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