L'«Homme du peuple» est un ouvrier de Saverne, Jean-Pierre Clavel, orphelin élevé par une brave marchande des quatre saisons, la mère Balais, pauvre mais généreuse, qui a fait de lui un bon artisan et l'a envoyé à Paris pour se perfectionner dans son état de menuisier. Il est embauché dans l'atelier de menuiserie Braconneau dont le principal ouvrier, le père Perrignon, lui fait petit à petit partager ses idées révolutionnaires. Notre héros assiste aux débuts de la Révolution de 1848 et finit par y prendre une petite part en combattant sur une barricade. Mais, plus qu'un acteur, il est pour nous un témoin de première main, relatant les seuls événements qu'il a pu voir. C'est cette description, sur le vif, au «ras des pâquerettes», que ce soit de la vie à Saverne, de la découverte des vieux quartiers de Paris, où d'un petit bout de la «grande histoire» en train de se faire, qui fait, comme toujours chez Erckmann-Chatrian, tout le charme de ce récit.
Extrait : Contre le mur du pignon, au-dessus de la table, le portrait de M. Balais, ancien capitaine au 37e de ligne, le grand chapeau à cornes et ses deux glands d’or en travers des épaules, les yeux gris clair, les moustaches jaunes et les joues brunes, avait l’air de vous regarder en entrant. C’était un homme superbe, avec sa tête toute droite dans son haut collet bleu ; la mère Balais disait quelquefois :
— C’est Balais, mon défunt, mort au champ d’honneur le 21 juin 1813, à la retraite de Vittoria, dans l’arrière-garde.
Alors elle serrait les lèvres et continuait à faire son ménage, toute pensive, sans parler durant des heures.
À gauche de la grande chambre s’ouvrait le fruitier, qui n’était que le grenier de la maison ; ses lucarnes restaient ouvertes en été ; mais, quand la neige commençait à tomber, sur la fin de novembre, on les fermait avec de la paille. Les fruits, en bon ordre, montaient sur trois rangées de lattes, et la bonne odeur se répandait partout.
À droite se trouvait encore un cabinet, la fenêtre sur le toit de la cour. Dans ce cabinet, j’ai dormi des années ; il n’avait pas plus de huit pieds de large sur dix à douze de long ; mais il y faisait bien bon, à cause de la grande cheminée appliquée contre, où passait toute la chaleur de la maison. Jamais l’eau n’y gelait dans ma cruche en plein hiver.
Combien de fois depuis, songeant à cela, je me suis écrié :
« Jean-Pierre, tu ne trouveras plus de chambre pareille ! »
Extrait : Contre le mur du pignon, au-dessus de la table, le portrait de M. Balais, ancien capitaine au 37e de ligne, le grand chapeau à cornes et ses deux glands d’or en travers des épaules, les yeux gris clair, les moustaches jaunes et les joues brunes, avait l’air de vous regarder en entrant. C’était un homme superbe, avec sa tête toute droite dans son haut collet bleu ; la mère Balais disait quelquefois :
— C’est Balais, mon défunt, mort au champ d’honneur le 21 juin 1813, à la retraite de Vittoria, dans l’arrière-garde.
Alors elle serrait les lèvres et continuait à faire son ménage, toute pensive, sans parler durant des heures.
À gauche de la grande chambre s’ouvrait le fruitier, qui n’était que le grenier de la maison ; ses lucarnes restaient ouvertes en été ; mais, quand la neige commençait à tomber, sur la fin de novembre, on les fermait avec de la paille. Les fruits, en bon ordre, montaient sur trois rangées de lattes, et la bonne odeur se répandait partout.
À droite se trouvait encore un cabinet, la fenêtre sur le toit de la cour. Dans ce cabinet, j’ai dormi des années ; il n’avait pas plus de huit pieds de large sur dix à douze de long ; mais il y faisait bien bon, à cause de la grande cheminée appliquée contre, où passait toute la chaleur de la maison. Jamais l’eau n’y gelait dans ma cruche en plein hiver.
Combien de fois depuis, songeant à cela, je me suis écrié :
« Jean-Pierre, tu ne trouveras plus de chambre pareille ! »
J’aime autant vous raconter ces choses tout de suite, pour vous faire comprendre ma surprise de trouver un si beau logement.
Les paniers de cerises étaient tous rangés à terre, Mme Balais commença par les porter dans le fruitier ; ensuite elle revint avec une belle tête de chou, des poireaux et quelques grosses pommes de terre, qu’elle déposa sur la table d’un air de bonne humeur. Elle sortit du tiroir le pain, le sel, le poivre, avec un morceau de lard ; et comme je voyais d’avance ce qu’elle voulait faire, je pris aussitôt la hachette pour tailler du petit bois. Elle me regardait en souriant, et disait :
— Tu es un brave enfant, Jean-Pierre. Nous allons être heureux ensemble.
Histoire d’un homme du peuple - Erckmann-Chatrian (livre audio) | @ebookaudio
Les paniers de cerises étaient tous rangés à terre, Mme Balais commença par les porter dans le fruitier ; ensuite elle revint avec une belle tête de chou, des poireaux et quelques grosses pommes de terre, qu’elle déposa sur la table d’un air de bonne humeur. Elle sortit du tiroir le pain, le sel, le poivre, avec un morceau de lard ; et comme je voyais d’avance ce qu’elle voulait faire, je pris aussitôt la hachette pour tailler du petit bois. Elle me regardait en souriant, et disait :
— Tu es un brave enfant, Jean-Pierre. Nous allons être heureux ensemble.

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