Les Quarante-Cinq est le troisième volume de la trilogie sur les guerres de religion. Henri III a perdu ses favoris, tous tués en duel à la fin de La Dame de Monsoreau, tandis que le brave Bussy trouvait la mort dans une embuscade tendue par son maître, le duc d'Anjou. Ne lui reste que le moins aimé, D'Epernon, devenu duc et courtisan paresseux. Il se console donc en reportant son affection sur le duc Anne de Joyeuse et son frère Henri.
Extrait : Il descendit à l’Hôtel de Ville, où ses affidés avaient tout préparé pour son installation.
Là il reçut tous les quarteniers et centeniers de la bourgeoisie, passa en revue les officiers des troupes soldées, puis enfin reçut les principaux officiers qu’il mit au courant de ses projets.
Parmi ses projets, le plus arrêté était de profiter de la manifestation du duc d’Anjou contre la ville pour rompre avec lui. Le duc d’Anjou en arrivait où le Taciturne avait voulu l’amener, et celui-là voyait avec joie ce nouveau compétiteur à la souveraine puissance se perdre comme les autres.
Le soir même où le duc d’Anjou s’apprêtait à attaquer, comme nous l’avons vu, le prince d’Orange, qui était depuis deux jours dans la ville, tenait conseil avec le commandant de la place pour les bourgeois.
À chaque objection faite par le gouverneur au plan offensif du prince d’Orange, si cette objection pouvait amener du retard dans les plans, le prince d’Orange secouait la tête comme un homme surpris de cette incertitude.
Mais, à chaque hochement de tête, le commandant de la place répondait :
— Prince, vous savez que c’est chose convenue, que Monseigneur doit venir : attendons donc Monseigneur.
Ce mot magique faisait froncer le sourcil au Taciturne ; mais tout en fronçant le sourcil et en rongeant ses ongles d’impatience, il attendait.
Alors chacun attachait ses yeux sur une large horloge aux lourds battements, et semblait demander au balancier d’accélérer la venue du personnage attendu si impatiemment.
Neuf heures du soir sonnèrent : l’incertitude était devenue une anxiété réelle ; quelques vedettes prétendaient avoir aperçu du mouvement dans le camp français.
Une petite barque plate comme le bassin d’une balance avait été expédiée sur l’Escaut ; les Anversois, moins inquiets encore de ce qui se passait du côté de la terre que de ce qui se passait du côté de la mer, avaient désiré avoir des nouvelles précises de la flotte française : la petite barque n’était point revenue.
Le prince d’Orange se leva, et, mordant de colère ses gants de buffle, il dit aux Anversois :
— Monseigneur nous fera tant attendre, messieurs, qu’Anvers sera prise et brûlée quand il arrivera : la ville, alors, pourra juger de la différence qui existe sous ce rapport entre les Français et les Espagnols.
Ces paroles n’étaient point faites pour rassurer MM. les officiers civils, aussi se regardèrent-ils avec beaucoup d’émotion.
Extrait : Il descendit à l’Hôtel de Ville, où ses affidés avaient tout préparé pour son installation.
Là il reçut tous les quarteniers et centeniers de la bourgeoisie, passa en revue les officiers des troupes soldées, puis enfin reçut les principaux officiers qu’il mit au courant de ses projets.
Parmi ses projets, le plus arrêté était de profiter de la manifestation du duc d’Anjou contre la ville pour rompre avec lui. Le duc d’Anjou en arrivait où le Taciturne avait voulu l’amener, et celui-là voyait avec joie ce nouveau compétiteur à la souveraine puissance se perdre comme les autres.
Le soir même où le duc d’Anjou s’apprêtait à attaquer, comme nous l’avons vu, le prince d’Orange, qui était depuis deux jours dans la ville, tenait conseil avec le commandant de la place pour les bourgeois.
À chaque objection faite par le gouverneur au plan offensif du prince d’Orange, si cette objection pouvait amener du retard dans les plans, le prince d’Orange secouait la tête comme un homme surpris de cette incertitude.
Mais, à chaque hochement de tête, le commandant de la place répondait :
— Prince, vous savez que c’est chose convenue, que Monseigneur doit venir : attendons donc Monseigneur.
Ce mot magique faisait froncer le sourcil au Taciturne ; mais tout en fronçant le sourcil et en rongeant ses ongles d’impatience, il attendait.
Alors chacun attachait ses yeux sur une large horloge aux lourds battements, et semblait demander au balancier d’accélérer la venue du personnage attendu si impatiemment.
Neuf heures du soir sonnèrent : l’incertitude était devenue une anxiété réelle ; quelques vedettes prétendaient avoir aperçu du mouvement dans le camp français.
Une petite barque plate comme le bassin d’une balance avait été expédiée sur l’Escaut ; les Anversois, moins inquiets encore de ce qui se passait du côté de la terre que de ce qui se passait du côté de la mer, avaient désiré avoir des nouvelles précises de la flotte française : la petite barque n’était point revenue.
Le prince d’Orange se leva, et, mordant de colère ses gants de buffle, il dit aux Anversois :
— Monseigneur nous fera tant attendre, messieurs, qu’Anvers sera prise et brûlée quand il arrivera : la ville, alors, pourra juger de la différence qui existe sous ce rapport entre les Français et les Espagnols.
Ces paroles n’étaient point faites pour rassurer MM. les officiers civils, aussi se regardèrent-ils avec beaucoup d’émotion.
En ce moment, un espion qu’on avait envoyé sur la route de Malines, et qui avait poussé son cheval jusqu’à Saint-Nicolas, revint en annonçant qu’il n’avait rien vu ni entendu qui annonçât le moins du monde la venue de la personne que l’on attendait.
— Messieurs, s’écria le Taciturne à cette nouvelle, vous le voyez, nous attendrions inutilement ; faisons nous-mêmes nos affaires ; le temps nous presse et les campagnes ne sont garanties en rien. Il est bon d’avoir confiance en des talents supérieurs ; mais vous voyez qu’avant tout, c’est sur soi-même qu’il faut se reposer. Délibérons donc, messieurs.
Il n’avait point achevé, que la portière de la salle se souleva et qu’un valet de la ville apparut et prononça ce seul mot qui, dans un pareil moment, paraissait en valoir mille autres :
— Monseigneur !
Dans l’accent de cet homme, dans cette joie qu’il n’avait pu s’empêcher de manifester en accomplissant son devoir d’huissier, on pouvait lire l’enthousiasme du peuple et toute sa confiance en celui qu’on appelait de ce nom vague et respectueux : « Monseigneur ! »
Les Quarante-Cinq III - Alexandre Dumas (livre audio) | @ebookaudio
— Messieurs, s’écria le Taciturne à cette nouvelle, vous le voyez, nous attendrions inutilement ; faisons nous-mêmes nos affaires ; le temps nous presse et les campagnes ne sont garanties en rien. Il est bon d’avoir confiance en des talents supérieurs ; mais vous voyez qu’avant tout, c’est sur soi-même qu’il faut se reposer. Délibérons donc, messieurs.
Il n’avait point achevé, que la portière de la salle se souleva et qu’un valet de la ville apparut et prononça ce seul mot qui, dans un pareil moment, paraissait en valoir mille autres :
— Monseigneur !
Dans l’accent de cet homme, dans cette joie qu’il n’avait pu s’empêcher de manifester en accomplissant son devoir d’huissier, on pouvait lire l’enthousiasme du peuple et toute sa confiance en celui qu’on appelait de ce nom vague et respectueux : « Monseigneur ! »

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