Lors d'une partie de chasse à Fontenay-aux-Roses, Alexandre Dumas, qui ne s'amuse guère à arpenter les chemins, rentre en ville juste à point pour y être témoin d'une horrible tragédie: un homme ayant assassiné son épouse est venu se rendre spontanément au maire, M. Ledru. Il faut dire que le pauvre bougre a une bonne raison d'être terrorisé. Alors qu'il vient de décapiter sa femme à l'aide d'un sabre, la tête de la malheureuse a roulé vers lui et a affirmé qu'elle était innocente! Extrait : Tenez, je suis là au milieu de cinquante volumes ouverts à propos d’une histoire de la Régence que je viens d’achever, et que je vous prie, si vous vous en rendez compte, d’inviter les mères à ne pas laisser lire à leurs filles. Eh bien ! je suis là, vous disais-je, et, tout en vous écrivant, mes yeux s’arrêtent sur une page des Mémoires du marquis d’Argenson, ou, au- dessous de ces mots : De la Conversation d’autrefois et de celle d’à présent, je lis ceux-ci :
« Je suis persuadé que, du temps où l’hôtel Rambouillet donnait le ton à la bonne compagnie, on écoutait bien et l’on raisonnait mieux. On cultivait son goût et son esprit, j’ai encore vu des modèles de ce genre de conversation parmi les vieillards de la cour que j’ai fréquentés. Ils avaient le mot propre, de l’énergie et de la finesse, quelques antithèses, mais des épithètes qui augmentaient le sens ; de la profondeur sans pédanterie, de l’enjouement sans malignité. »
Il y a juste cent ans que le marquis d’Argenson écrivait ces lignes, que je copie dans son livre. – Il avait, à l’époque où il les écrivait, à peu près l’âge que nous avons, – et comme lui, mon cher ami, nous pouvons dire : Nous avons connu des vieillards qui étaient, hélas ! ce que nous ne sommes plus, c’est-à-dire des hommes de bonne compagnie.
Nous les avons vus, mais nos fils ne les verront pas. Voilà ce qui fait, quoique nous ne valions pas grand-chose, que nous vaudrons mieux que ne vaudront nos fils.
Il est vrai que tous les jours nous faisons un pas vers la liberté, l’égalité, la fraternité, trois grands mots que la Révolution de 93, vous savez, l’autre, la douairière, a lancés au milieu de la société moderne, comme elle eût fait d’un tigre, d’un lion et d’un ours habillés avec des toisons d’agneaux ; mots vides, malheureusement, et qu’on lisait à travers la fumée de juin sur nos monuments publics criblés de balles.
Moi, je vais comme les autres ; moi, je suis le mouvement. Dieu me garde de prêcher l’immobilité ! – L’immobilité, c’est la mort. Mais je vais comme un de ces hommes dont parle Dante, – dont les pieds marchent en avant, – c’est vrai, – mais dont la tête est tournée du côté de ses talons.
Et ce que je cherche surtout, – ce que je regrette avant tout, – ce que mon regard rétrospectif cherche dans le passé, c’est la société qui s’en va, qui s’évapore, qui disparaît comme un de ces fantômes dont je vais vous raconter l’histoire.
Cette société, qui faisait la vie élégante, la vie courtoise, cette vie qui valait la peine d’être vécue, enfin (pardonnez-moi le barbarisme, n’étant point de l’Académie, je puis le risquer), cette société est-elle morte ou l’avons-nous tuée ?
Tenez, je me rappelle que, tout enfant, j’ai été conduit par mon père chez madame de Montesson. C’était une grande dame, une femme de l’autre siècle tout à fait. Elle avait épousé, il y avait près de soixante ans, le duc d’Orléans, aïeul du roi Louis-Philippe ; elle en avait quatre-vingt-dix. Elle demeurait dans un grand et riche hôtel de la Chaussée-d’Antin. Napoléon lui faisait une rente de cent mille écus.
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