Filles jumelles et bâtardes d'un ancien combattant royaliste de 1793, le marquis de Souday, Mary et Bertha, auxquelles on prête, bien à tort, une sulfureuse réputation, sont cruellement surnommées «les louves de Machecoul». Loin de ces médisances, elles vivent sereinement leur solitude jusqu'au jour où le sort place sur le chemin deux nouveaux personnages : le baron Michel de la Logerie, fils d'un bourgeois enrichi par l'Empire, et Marie-Caroline de Bourbon, duchesse de Berry, qui veut offrir le trône de France à son fils en réveillant l'esprit royaliste vendéen. Dès leur première rencontre, les jeunes filles s'éprennent de Michel qui, pour sa part, tombe sous le charme de la douce Mary et s'engage, par amour pour elle, aux côtés de la duchesse. Extrait : Un assez grand nombre de lettres placées sur cette même table de nuit, et maintenues en guise de serre-papier par une seconde paire de pistolets, n’était pas encore décachetées.
Madame paraissait attendre avec impatience l’arrivée du voyageur, car, en l’apercevant, elle sortit à moitié du lit pour tendre vers lui ses deux mains.
Celui-ci les prit, les baisa respectueusement, et la duchesse sentit une larme qui tombait des yeux du fidèle partisan sur celle des deux mains qu’il avait gardée dans les siennes.
— Une larme, monsieur ! dit la duchesse ; m’apportez-vous de mauvaises nouvelles ?
— Cette larme, madame, répondit Me Marc, n’exprime que mon dévouement et le profond regret que j’éprouve de vous voir ainsi isolée et perdue, au fond d’une métairie de la Vendée, vous que j’ai vue…
Il s’arrêta ; les larmes l’empêchaient de parler.
La duchesse reprit sa phrase où il l’avait laissée, et continua :
— Oui, aux Tuileries, n’est-ce pas, sur les marches d’un trône ? Eh bien ! cher monsieur, j’y étais, à coup sûr, plus mal gardée et moins bien servie qu’ici, car ici je suis servie et gardée par la fidélité qui se dévoue, tandis que là-bas, je l’étais par l’intérêt qui calcule… Mais, arrivons au but, que je ne vous vois pas éloigner sans inquiétude, je l’avoue. Des nouvelles de Paris, vite ! M’apportez-vous de bonnes nouvelles ?
— Croyez, madame, répondit Me Marc, à mon profond regret, moi, homme d’enthousiasme, d’avoir été forcé de me faire le messager de la prudence.
— Ah ! ah ! fit la duchesse, pendant que mes amis de Vendée se font tuer, mes amis de Paris sont prudents, à ce qu’il paraît. Vous voyez bien que j’avais raison de vous dire que j’étais ici mieux gardée et surtout mieux servie qu’aux Tuileries.
— Mieux gardée peut-être, oui, madame ; mais mieux servie, non ! Il y a des moments où la prudence est le génie du succès.
— Mais, monsieur, reprit la duchesse impatiente, je suis aussi bien renseignée sur Paris que vous, et je sais qu’une révolution y est instante.
— Madame, répondit l’avocat de sa voix ferme et sonore, nous vivons depuis un an et demi dans les émeutes, et aucune de ces émeutes n’a pu monter encore à la hauteur d’une révolution.
— Louis-Philippe est impopulaire.
— Je vous l’accorde ; mais cela ne veut pas dire qu’Henri V soit populaire, lui.
— Henri V ! Henri V ! mon fils ne s’appelle pas Henri V, monsieur, fit la duchesse ; il s’appelle Henri IV second.
— Sous ce rapport, madame, repartit l’avocat, il est bien jeune encore, permettez-moi de vous le dire, pour que nous sachions son vrai nom ; puis, plus on est dévoué à un chef, plus on lui doit la vérité.
Les Louves de Machecoul II - Alexandre Dumas (livre audio) | @ebookaudio
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