La fin de la trilogie des Mousquetaires. D'Artagnan et Athos participent, chacun à sa façon, à la restauration de Charles II sur le trône d'Angleterre. L'année suivante commence en France le règne personnel de Louis XIV, qui engage d'Artagnan dans sa lutte contre le surintendant Fouquet. Ce dernier est manipulé par Aramis, devenu évêque de Vannes et général des Jésuites, qui a entraîné Porthos dans ses aventures. Aramis ne vise à rien de moins qu'à devenir le maître de la France et de l'Eglise. Extrait : Buckingham, rêveur et affectueux comme un homme de cœur qui a pris son parti, écoutait le comte et adressait de temps en temps à Madame un regard de regrets et de tendresse éperdue.
La princesse, au sein de son enivrement, partageait encore sa pensée entre le roi, qui jouait avec elle, Monsieur, qui la raillait doucement sur des gains considérables, et de Guiche, qui témoignait une joie extravagante.
Quant à Buckingham, elle s’en occupait légèrement ; pour elle, ce fugitif, ce banni était un souvenir, non plus un homme.
Les cœurs légers sont ainsi faits ; entiers au présent, ils rompent violemment avec tout ce qui peut déranger leurs petits calculs de bien-être égoïste.
Madame se fût accommodée des sourires, des gentillesses, des soupirs de Buckingham présent ; mais de loin, soupirer, sourire, s’agenouiller, à quoi bon ?
Le vent du détroit, qui enlève les navires pesants, où balaie-t-il les soupirs ? Le sait-on ?
Le duc ne se dissimula point ce changement ; son cœur en fut mortellement blessé.
Nature délicate, fière et susceptible de profond attachement, il maudit le jour où la passion était entrée dans son cœur.
Les regards qu’il envoyait à Madame se refroidirent peu à peu au souffle glacial de sa pensée. Il ne pouvait mépriser encore, mais il fut assez fort pour imposer silence aux cris tumultueux de son cœur.
À mesure que Madame devinait ce changement, elle redoublait d’activité pour recouvrer le rayonnement qui lui échappait ; son esprit, timide et indécis d’abord, se fit jour en brillants éclats ; il fallait à tout prix qu’elle fût remarquée par-dessus tout, par-dessus le roi lui-même.
Elle le fut. Les reines, malgré leur dignité, le roi, malgré les respects de l’étiquette, furent éclipsés.
Les reines, roides et guindées, dès l’abord, s’humanisèrent et rirent. Madame Henriette, reine mère, fut éblouie de cet éclat qui revenait sur sa race, grâce à l’esprit de la petite-fille de Henri IV.
Le roi, si jaloux comme jeune homme, si jaloux comme roi de toutes les supériorités qui l’entouraient, ne put s’empêcher de rendre les armes à cette pétulance française dont l’humeur anglaise rehaussait encore l’énergie. Il fut saisi comme un enfant par cette radieuse beauté que suscitait l’esprit.
Les yeux de Madame lançaient des éclairs. La gaieté s’échappait de ses lèvres de pourpre comme la persuasion des lèvres du vieux Grec Nestor.
Autour des reines et du roi, toute la cour, soumise à ces enchantements, s’apercevait, pour la première fois, qu’on pouvait rire devant le plus grand roi du monde, comme des gens dignes d’être appelés les plus polis et les plus spirituels du monde.
Madame eut, dès ce soir, un succès capable d’étourdir quiconque n’eût pas pris naissance dans ces régions élevées qu’on appelle un trône et qui sont à l’abri de semblables vertiges, malgré leur hauteur.
À partir de ce moment, Louis XIV regarda Madame comme un personnage.
Buckingham la regarda comme une coquette digne des plus cruels supplices.
De Guiche la regarda comme une divinité.
Les courtisans, comme un astre dont la lumière devait devenir un foyer pour toute faveur, pour toute puissance.
Cependant Louis XIV, quelques années auparavant, n’avait pas seulement daigné donner la main à ce laideronpour un ballet 2.
Cependant Buckingham avait adoré cette coquette à deux genoux
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