mercredi 26 octobre 2016

Les Blancs et les Bleus II - Alexandre Dumas (livre audio) | @ebookaudio

Les Blancs et les Bleus II - Alexandre Dumas (livre audio)En 1794 la terreur est à son paroxysme en France, l'ennemi menace aux frontières de toutes parts. A Strasbourg, c'est le général Pichegru que nous suivons dans ses victoires sur les Prussiens; à Toulon, c'est un jeune colonel du nom de Bonaparte qui reprend la ville aux Anglais. 

Extrait : Et sous ce rapport, la précaution qui lui avait fait passer à sa ceinture une paire de pistolets, dont on eût pu voir la pareille dans ses fontes, n’était point inutile. La réaction thermidorienne, écrasée à Paris le 13 vendémiaire, s’était réfugiée en province, et là, avait pris des proportions gigantesques. Lyon était devenu sa capitale ; d’un côté, par Nîmes, elle étendait la main jusqu’à Marseille, et, de l’autre, par Bourg-en-Bresse jusqu’à Besançon. Pour voir où en était cette réaction, nous renverrions bien le lecteur à notre roman des « Compagnons de Jéhu », ou aux « Souvenirs de la Révolution et de l’Empire », de Charles Nodier ; mais le lecteur n’aurait probablement ni l’un ni l’autre de ces deux ouvrages sous la main, et il nous paraît plus court de les reproduire ici.

Il ne faut pas s’étonner que la réaction thermidorienne, écrasée dans la première capitale de la France, ait élu domicile dans la seconde et ait eu ses ramifications à Marseille et à Besançon. On sait ce qu’avait souffert Lyon, après sa révolte : la guillotine eût été trop lente. Collet d’Herbois et Fouché mitraillèrent. Il y eut à cette époque bien peu de familles du haut commerce ou de la noblesse qui n’eussent pas perdu quelqu’un des leurs. Eh bien ! ce père, ce frère, ce fils perdu, l’heure était venue de le venger et on le vengeait, ostensiblement, publiquement au grand jour. « C’est toi qui as causé la mort de mon fils, de mon frère et de mon père ! » disait-on au dénonciateur, et on le frappait.
« La théorie du meurtre, dit Nodier, était montée dans les hautes classes. Il y avait dans les salons des secrets de mort qui épouvanteraient les bagnes. On faisait Charlemagne à la bouillotte pour une partie d’extermination, et l’on ne prenait pas la peine de parler bas pour dire qu’on allait tuer quelqu’un. Les femmes, douces médiatrices de toutes les passions de l’homme, avaient pris une part offensive dans ces horribles débats. Depuis que d’exécrables mégères ne portaient plus de guillotines en boucles d’oreilles, d’adorables furies, comme eût dit Corneille, portaient un poignard en épingle. Quand vous opposiez quelques objections de sentiment à ces épouvantables excès, on vous menait aux Brotteaux, on vous faisait marcher malgré vous sur cette terre élastique et rebondissante, et l’on vous disait : « C’est là que sont nos parents. » Quel tableau que celui de ces jours d’exception dont le caractère indéfinissable et sans nom ne peut s’exprimer que par les faits eux-mêmes, tant la parole est impuissante pour rendre cette confusion inouïe des idées les plus antipathiques, cette alliance des formes les plus élégantes et des plus implacables fureurs, cette transaction effrénée des doctrines de l’humanité et des actes des anthropophages ! Comment faire comprendre ce temps impossible où les cachots ne protégeaient pas le prisonnier, où le bourreau qui venait chercher sa victime s’étonnait d’avoir été devancé par l’assassin, ce long 2 septembre renouvelé tous les jours par d’admirables jeunes gens qui sortaient d’un bal et se 
faisaient attendre dans un boudoir ?

» Ce que c’était, il faut le dire, c’était une monomanie endémique, un besoin de furie et d’égorgement éclos sous les ailes des harpies révolutionnaires ; un appétit de larcin aiguisé par les confiscations, une soif de sang enflammée par la vue du sang. C’était la frénésie d’une génération nourrie, comme Achille, de la moelle des bêtes féroces ; qui n’avait plus de types et d’idéalité devant elle que les brigands de Schiller et les francs juges du Moyen Âge. C’était l’âpre et irrésistible nécessité de recommencer la société par le crime comme elle avait fini. C’était ce qu’envoie toujours, dans les temps marqués, l’esprit des compensations éternelles, les titans après le chaos, Python après le déluge, une nuée de vautours après le carnage ; cet infaillible talion de fléaux inexplicables qui acquitte la mort par la mort, qui demande le cadavre pour le cadavre, qui se paie avec usure et que l’Écriture elle-même a compté parmi les trésors de la Providence.



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