Deux histoires parallèles: celle de l'auteur et de ses amis artistes (vie de bohème où les animaux occupent une part importante en tant que membres à part entière de la collectivité) et celle du Capitaine Pamphile (où tout est lié à l'argent, au profit, sans aucun sens moral et où les animaux occupent une place importante en tant que source de profit) Extrait : Jacques Ier jeta vivement son pinceau derrière lui et ramassa une paille qu’il porta innocemment à sa bouche avec sa main droite, tandis qu’il se grattait la cuisse de la main gauche et levait béatement les yeux au ciel.
Enfin, mademoiselle Camargo monta languissamment un degré de son échelle ; ce qui, dans toute autre circonstance, aurait pu être considéré comme un signe de pluie.
Et moi, je posai Gazelle à la porte de la chambre, sur le seuil de laquelle je m’étais arrêté en disant :
— Cher ami, voilà la bête. Vous voyez que je suis de parole.
Gazelle n’était pas dans un moment heureux : le mouvement du cabriolet l’avait tellement désorientée, que, pour rassembler probablement toutes ses idées et réfléchir à sa situation le long de la route, elle avait rentré toute sa personne sous sa carapace ; ce que je posais par terre avait donc l’air tout bonnement d’une écaille vide.
Néanmoins, lorsque Gazelle sentit, par la reprise de son centre de gravité, qu’elle adhérait à un terrain solide, elle se hasarda de montrer son nez à l’ouverture supérieure de son écaille ; pour plus de sûreté, cependant, cette partie de sa personne était prudemment accompagnée de ses deux pattes de devant ; en même temps, et comme si tous les membres eussent unanimement obéi à l’élasticité d’un ressort intérieur, les deux pattes de derrière et la queue parurent à l’extrémité inférieure de la carapace. Cinq minutes après, Gazelle avait mis toutes voiles dehors.
Elle resta cependant encore un instant en panne, branlant la tête à droite et à gauche comme pour s’orienter ; puis tout à coup ses yeux devinrent fixes, et elle s’avança, aussi rapidement que si elle eût disputé le prix de la course au lièvre de La Fontaine, vers une carotte gisant aux pieds de la chaise qui servait de piédestal à Jacques Ier.
Celui-ci regarda d’abord avec assez d’indifférence la nouvelle arrivée s’avancer de son côté ; mais, dès qu’il s’aperçut du but qu’elle paraissait se proposer, il donna des signes d’une inquiétude réelle, qu’il manifesta par un grognement sourd, qui dégénéra, au fur et à mesure qu’elle gagnait du terrain, en cris aigus interrompus par des craquements de dents. Enfin, lorsqu’elle ne fut plus qu’à un pied de distance du précieux légume, l’agitation de Jacques prit tout le caractère d’un désespoir réel ; il saisit, d’une main, le dossier de son siège, et, de l’autre, la traverse recouverte de paille, et, probablement dans l’espoir d’effrayer la bête parasite qui venait lui rogner son dîner, il secoua la chaise de toute la force de ses poignets, jetant ses deux pieds en arrière comme un cheval qui rue, et accompagnant ses évolutions de tous les gestes et de toutes les grimaces qu’il croyait capables de démonter l’impassibilité automatique de son ennemi. – Mais tout était inutile ; Gazelle n’en faisait pas pour cela un pas moins vite que l’autre. Jacques Ier ne savait plus à quel saint se vouer.
Heureusement pour Jacques qu’il lui arriva, en ce moment, un secours inattendu. Tom, qui s’était retiré dans sa loge à mon arrivée, avait fini par se familiariser avec ma présence, et prêtait, comme nous tous, une certaine attention à la scène qui se passait ; étonné d’abord de voir se remuer cet animal inconnu, devenu, grâce à moi, commensal de son logis, il l’avait suivi dans sa course vers la carotte avec une curiosité croissante. Or, comme Tom ne méprisait pas non plus les carottes, lorsqu’il vit Gazelle près d’atteindre le précieux légume, il fit trois pas en trottant et, levant sa grosse patte, il la posa lourdement sur le dos de la pauvre bête, qui, frappant la terre du plat de son écaille, rentra incontinent dans sa carapace et resta immobile à deux pouces de distance du comestible qui mettait en ce moment en jeu une triple ambition. Tom parut fort étonné de voir disparaître, comme par enchantement, tête, pattes et queue. Il approcha son nez de la carapace, souffla bruyamment dans les ouvertures ; enfin, et comme pour se rendre plus parfaitement compte de la singulière organisation de l’objet qu’il avait sous les yeux, il le prit, le tournant et le retournant entre ses deux pattes ; puis, comme convaincu qu’il s’était trompé en concevant l’absurde idée qu’une pareille chose fût douée de la vie et pût marcher, il la laissa négligemment retomber, prit la carotte entre ses dents, et se mit en devoir de regagner sa niche.
Le capitaine Pamphile - Alexandre Dumas (livre audio) | @ebookaudio
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