Phalsbourg, en 1814. Pendant que les armées ennemies envahissent la France à la poursuite des troupes napoléoniennes défaites, la place forte assiégée est bombardée par les kaiserlicks mais résiste à leurs assauts grâce à sa vaillante garnison et à sa population civile mobilisée dans la garde nationale. Samuel Moïse, notable de la communauté israélite de la ville, a lui aussi été mobilisé et raconte.
Extrait: Zeffen alors ne dit plus rien et remplit mes poches de pommes et de noix, pour son frère Sâfel. Je les embrassai tous de nouveau, les petits et les grands ; puis Baruch me reconduisit jusqu’au bas des jardins à l’endroit où les chemins de la Schlittenbach et de Lutzelbourg se séparent.
Toutes les troupes étaient parties, il ne restait plus que les traînards et les malades. Mais on voyait encore la file de charrettes arrêtées dans le lointain, au haut de la côte, et des bandes de journaliers en train de creuser des fosses au revers de la route.
L’idée seule de repasser là me troublait. Je serrai donc la main de Baruch à cet embranchement, en lui promettant de revenir avec la grand’mère, pour la circoncision, et je pris ensuite le sentier de la vallée, qui longe la Zorn à travers bois.
Ce sentier était plein de feuilles mortes, et durant deux heures je marchai sur le talus, rêvant tantôt à l’auberge du Soleil, à Zimmer, au maréchal Victor, – que je revoyais avec sa haute taille, ses épaules carrées, sa tête grise, et son habit couvert de broderies. Tantôt je me représentais la chambre de Zeffen, le petit enfant et la mère ; puis la guerre que nous risquions d’avoir, cette masse d’ennemis qui s’avançaient de tous les côtés.
Extrait: Zeffen alors ne dit plus rien et remplit mes poches de pommes et de noix, pour son frère Sâfel. Je les embrassai tous de nouveau, les petits et les grands ; puis Baruch me reconduisit jusqu’au bas des jardins à l’endroit où les chemins de la Schlittenbach et de Lutzelbourg se séparent.
Toutes les troupes étaient parties, il ne restait plus que les traînards et les malades. Mais on voyait encore la file de charrettes arrêtées dans le lointain, au haut de la côte, et des bandes de journaliers en train de creuser des fosses au revers de la route.
L’idée seule de repasser là me troublait. Je serrai donc la main de Baruch à cet embranchement, en lui promettant de revenir avec la grand’mère, pour la circoncision, et je pris ensuite le sentier de la vallée, qui longe la Zorn à travers bois.
Ce sentier était plein de feuilles mortes, et durant deux heures je marchai sur le talus, rêvant tantôt à l’auberge du Soleil, à Zimmer, au maréchal Victor, – que je revoyais avec sa haute taille, ses épaules carrées, sa tête grise, et son habit couvert de broderies. Tantôt je me représentais la chambre de Zeffen, le petit enfant et la mère ; puis la guerre que nous risquions d’avoir, cette masse d’ennemis qui s’avançaient de tous les côtés.
Je m’arrêtais quelquefois au milieu de ces vallées, qui s’engrènent à perte de vue, toutes couvertes de sapins, de chênes et de hêtres, et je me disais :
« Qui sait ? les Prussiens, les Autrichiens et les Russes passeront peut-être bientôt ici ! »
Mais ce qui me réjouissait, c’était de penser :
« Moïse, tes deux garçons Itzig et Frômel sont en Amérique, loin des coups de canon ; ils sont là-bas, leur ballot sur l’épaule, ils vont de village en village et ne courent aucun danger. Et ta fille Zeffen peut aussi dormir tranquille ; Baruch a deux beaux enfants, et tous les ans il en aura, jusqu’à la fin de la guerre. Il vendra du cuir pour faire des sacs et des souliers à ceux qui partent, mais, lui, restera dans sa maison. »« Qui sait ? les Prussiens, les Autrichiens et les Russes passeront peut-être bientôt ici ! »
Mais ce qui me réjouissait, c’était de penser :
Le Blocus - Erckmann-Chatrian (livre audio) | @ebookaudio

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