Extrait: Ainsi, un cheval, un chien, un homme même, ne sont que la ressemblance illusoire de ces êtres. Les familles Berlifitzing et Metzengerstein avaient été en discorde pendant des siècles. Jamais on ne vit deux maisons aussi illustres réciproquement aigries par une inimitié aussi mortelle. Cette haine pouvait tirer son origine des paroles d’une ancienne prophétie : – Un grand nom tombera d’une chute terrible, quand, comme le cavalier sur son cheval, la mortalité de Metzengerstein triomphera de l’immortalité de Berlifitzing. Certes, les termes n’avaient que peu ou point de sens. Mais des causes plus vulgaires ont donné naissance – et cela, sans remonter bien haut, – à des conséquences également grosses d’événements. En outre, les deux maisons, qui étaient voisines, avaient longtemps exercé une influence rivale dans les affaires d’un gouvernement tumultueux. De plus, des voisins aussi rapprochés sont rarement amis ; et, du haut de leurs terrasses massives, les habitants du château Berlifitzing pouvaient plonger leurs regards dans les fenêtres mêmes du palais Metzengerstein. Enfin, le déploiement d’une magnificence plus que féodale était peu fait pour calmer les sentiments irritables des Berlifitzing, moins anciens et moins riches. Y a-t-il donc lieu de s’étonner que les termes de cette prédiction, bien que tout à fait saugrenus, aient si bien créé et entretenu la discorde entre deux familles déjà prédisposées aux querelles par toutes les instigations d’une jalousie héréditaire ? La prophétie semblait impliquer, – si elle impliquait quelque chose, – un triomphe final du côté de la maison déjà plus puissante, et naturellement vivait dans la mémoire de la plus faible et de la moins influente, et la remplissait d’une aigre animosité. Wilhelm, comte Berlifitzing, bien qu’il fût d’une haute origine, n’était, à l’époque de ce récit, qu’un vieux radoteur infirme, et n’avait rien de remarquable, si ce n’est une antipathie invétérée et folle contre la famille de son rival, et une passion si vive pour les chevaux et la chasse, que rien, ni ses infirmités physiques, ni son grand âge, ni l’affaiblissement de son esprit, ne pouvait l’empêcher de prendre journellement sa part des dangers de cet exercice.Metzengerstein - Edgar Allan Poe (livre audio) | @ebookaudio
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