Joseph Doutre est un écrivain, un journaliste, un homme politique et un avocat canadien. Il publia en 1844 un roman intitulé Les Fiancés de 1812, mais son livre fut condamné et jugé immoral. Extrait : La littérature a éprouvé en Canada le même sort que les découvertes, chaque fois qu’elle y a tenté quelque effort. C’est-à-dire qu’il a fallu l’annoncer comme une chose inouïe. Mais ses partisans, plus malheureux encore que les inventeurs des arts, n’ont pu parvenir à convaincre le public de son utilité et de sa compatibilité avec le caractère canadien. Les écrivains étrangers ont toujours joui parmi nous d’une célébrité qui commandait une respectueuse admiration, et semblait interdire le désir de l’imitation. Telle est la généralité de ce préjugé en faveur de l’étranger que, sur quarante milles hommes lettrés, on n’en trouvera pas dix qui ne soient possédés de fureur pour les productions européennes ; et à peine en rencontrera-t-on mille qui liront avec plaisir le travail d’un de leurs concitoyens, de quelque genre qu’il soit. On pourrait même dire qu’il y a plus que du préjugé contre ce qui est indigène, qu’il y a une véritable antipathie. Ceci semblera peut-être outré ; mais une expérience, acquise les listes de souscription à la main, peut parler ici hautement. Il est naturel que la lecture des meilleurs écrivains français ait établi une trop grande différence entre eux et nos écrivailleurs pour nous permettre d’avoir autant de confiance en ces derniers. Mais nous avons rencontré quelques-uns de ces dilettantissimis, qui, pour avoir vu Paris, ne regardent plus les efforts de leurs concitoyens qu’avec une grimace de dédain. On dirait à les voir qu’ils n’ont plus qu’à goûter le miel parisien qu’ils viennent de sucer et qui afflue encore sur leurs lèvres délicates. Nous ne pourrions dire ce qu’il y a de plus charmant à admirer chez eux, de leur ton fat et mielleux, ou d’un génie grandiosement sublime et véritable au-dessus de tout ce qui est Canadien. Quant à ce dernier point, c’est, tout au plus, une hypothèse en contemplation. Car, à part leur fatuité, ils n’ont encore rien manifesté. En parlant de la sorte nous désirons être bien compris. Car à Dieu ne plaise que nous veuillions jeter du louche sur nos jeunes compatriotes qui ont été perfectionner leurs études dans cette capitale des sciences. Ceux que de tels motifs y ont conduits n’en ont pu rapporter que des fruits heureux et utiles au pays.
Mais il en est, et ceux-là nous comprendront, il en est, disons-nous, qui, pour la seule satisfaction de pouvoir dire : « J’ai vu plus que vous », ont parcouru quelques contrées de l’Europe et y ont glané l’orgueil et la suffisance des petits maîtres. De tels gens nous diront : « Écrivez comme un Dumas, un Eugène Sue, etc., en un mot, comme mes auteurs de prédilection, et alors je suis tout à vous. Mais croyez-vous que la fadeur de vos écrits, votre ton sec, votre style des premiers âges, enfin votre sauvage simplicité soient dignes de mon attention ? Je craindrais d’en dépraver mon goût. Soyez noble dans vos idées, riche et nouveau dans votre style, et alors je me ferai non seulement un plaisir, mais un devoir, oui un devoir de favoriser vos efforts. »
Les fiancés de 1812 - Joseph Doutre (livre audio) | @ebookaudio
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